Je vous propose aujourd’hui d’explorer le concept de Mitahāra, l’alimentation modérée proposée par le Hatha Yoga Pradipika (HYP). Cette alimentation yogique est indiquée aux sādhakas, c’est-à-dire les personnes qui suivent une voie de discipline spirituelle et qui consacrent leur vie au yoga. Les aphorismes du 58 au 63 expliquent ce qu’est une alimentation modérée, les aliments à éviter, l’attitude avec laquelle on doit manger et les aliments à privilégier.
L’étimologie
Mitahāra est un mot sanskrit composé de deux termes : Mita, modéré ; ahāra, alimentation. Pour tout comprendre, commençons par lire l’aphorisme 58 :
La nourriture onctueuse et savoureuse, qui laisse un quart de l’estomac vide, et qui est mangée pour la délection de Shiva, voilà ce qu’on appelle alimentation mesurée.
De cette phrase, on déduit que l’alimentation modérée repose sur trois piliers fondamentaux : la qualité des aliments, l’attitude et la quantité. Voyons cela en profondeur :
1. Une alimentation onctueuse, nutritive et savoureuse
Les aliments doivent être onctueux, gras et riches, comme le beurre clarifié ou ghee, qui est considéré essentiel dans la purification et la nutrition du corps. Le ghee lubrifie les intestins, nourrit les tissus et les articulations, tout en améliorant le goût des aliments. Ces derniers doivent être savoureux, agréables au palais, et principalement doux. Une alimentation bien choisie soutient le corps et l’esprit pour maintenir un état de santé optimal qui permet une pratique fluide et constante.
Les aliments recommandés incluent les céréales, le lait, le beurre clarifié, le sucre, le miel, le gingembre, les légumes, les lentilles et l’eau de pluie. Ce sont des aliments purs. L’alimentation doit être nourrissante, riche en graisses pour soutenir et nourrir les tissus du corps, tout en étant appétissante, mais toujours appropriée et consommée avec l’attitude correcte.
2. Une attitude consciente et une alimentation considérée comme une offrande
L’acte de manger doit être accompli avec conscience et respect, comme une offrande. L’alimentation nourrit non seulement le corps mais aussi l’âme. Il est dit que ce que nous consommons est offert à la divinité qui habite en nous : le sadhaka doit penser que celui qui mange la nourriture est Shiva et non lui-même. Adopter cette perspective permet de réfléchir à la qualité, la quantité et l’intention derrière nos repas.
Pour une approche laïque, on peut imaginer que nous donnons à manger à un enfant : « Est-ce que nous le ferions de cette manière ? » Cette question nous pousse à prêter attention à chaque aspect de notre alimentation.
3. La juste mesure : 2/4 nourriture, 1/4 eau, 1/4 air
Selon le Mitahāra, l’estomac doit être rempli à moitié de nourriture, à un quart d’eau, et laissé à un quart vide pour l’air. Cette proportion préserve l’énergie vitale et facilite la digestion, tout en évitant les excès qui perturbent la pratique spirituelle.
Les éléments à éviter
Pour maintenir un équilibre mental et physique, il est conseillé d’éviter :
- Les aliments au goût trop amer, acide, épicé, pas du tout salé ou excessivement salé.
- Les boissons enivrantes.
- Les aliments réchauffés, qui sont considérés comme dépourvus de prāna (force vitale).
- Les aliments produits avec de la souffrance (notamment les produits animaux).
- Les aliments secs, à moins qu’ils ne soient trempés ou lubrifiés avec du ghee.
- Les aliments avariés.
Ces aliments sont évités car ils augmentent les états de rajas (agitation) et de tamas (lourdeur), qui perturbent l’équilibre physique et mental nécessaire à la pratique du yoga.
L’alimentation au service de l’évolution spirituelle
L’alimentation doit être vue comme le carburant qui soutient le corps dans sa santé et son énergie. Cela permet d’évoluer dans la pratique yoguique tout en évitant la gourmandise et l’attachement sensoriel. Manger en pleine conscience aide à renforcer la discipline et à cultiver une relation sacrée avec la nourriture.
Je vous retrouve la semaine prochaine pour continuer à explorer chapitre par chapitre les enseignements du Hatha Yoga Pradipika.
Cariños,
Julieta