Dans les aphorismes 15 et 16, le Hatha Yoga Pradipika (HYP) décrit les obstacles pour la pratique, et les clés pour une pratique réussie du Yoga.
Dans la pratique du yoga, certains obstacles peuvent entraver notre progression. Ces obstacles appelés Pratibandha, sont abordés dans le HYP. Patanjali avait lui aussi presenté des obstacles pour la pratique dans les Yoga Sutras, mais il s’agissait plutôt des obstacles d’ordre mental et émotionnel. Le Hatha Yoga Pradipika approche le sujet d’une façon plus pratique et conductuelle, donc on pourra s’y retrouver plus facilement. Allons-y !
Les Pratibandha : 6 obstacles pour la pratique
Atyāhāra, l’excès de nourriture : Lorsque nous ne sommes pas mesurés dans notre alimentation, le corps perd sa vitalité car il utilise beaucoup d’énergie pour la digestion. La gloutonnerie montre aussi un attachement aux plaisirs sensoriels. Le Hatha Yoga Pradipika recommande une alimentation modérée, connue sous le nom de mitahara, guidée idéalement par le guru.
Prayāsa, les efforts excessifs pendant la pratique : Que ce soit dans une pratique excessivement longue, ou dans une pratique courte et trop intense, le HYP signale l’effort demesuré comme le deuxième obstacle dans la pratique qui peut découler dans un surmenage ou une blessure. Comme le rappelle le Yoga Sutra de Patanjali, asana doit être à la fois stable et confortable (sthira sukham asanam). Dans mes cours je vous encourage à pratiquer dans le respect de votre corps.
Prajalpo, le bavardage : Selon le HYP nos intéractions avec les autres doivent être limitées et juste. Le fait de bavarder prend beaucoup d’énergie vitale et fait perdre du temps qui pourrait être mieux utilisé dans la sadhana pour l’éveil de la conscience intérieure. On devrait éviter les discussions sans fondement, sur des sujets d’une faible moralité ou conscience qui détournent l’esprit des objectifs les plus élevés.
Niyamāgrahaḥ, la non-adhésion aux règles trop strictes : Ici le HYP nous invite à ne pas nous imposer une discipline de vie trop stricte comme des jeûns trop longs, des pilgrimages trop importants, les bains à l’eau glacé à l’aube, le culte au feu et toute pratique réligieuse extérieure. Ici on voit la différence avec la philosohphie de Patanjali, qui encourageait la rigueur ascètique, le tapas, avec l’étude de soi et la dévotion, pour se purifier et s’imposer une discipline correcte. La nuance suivante clarifie le sujet : « tapas doit être pratiqué dans la mesure où il ne nuit pas au calme de l’esprit ».
Janasangaçca, le contact avec d’autres personnes. Le contact avec le monde extérieur, notamment les interactions sociales, stimule nos sens et alimente les fluctuations du mental (citta vritti). Ces fluctuations peuvent détourner notre attention et perturber notre concentration, rendant plus difficile le recentrage nécessaire à la pratique du yoga. On ne propose pas se couper du monde extérieur, sinon on encourage le pratiquant à être mesuré et voir combien le contact avec le monde nous affecte et dans quel point il devient un obstacle pour avancer avec la pratique.
Laulyam, l’instabilité. L’instabilité du corps physique et du corps mental constitue un obstacle majeur à la pratique spirituelle sur le long terme. Le Hatha Yoga Pradipika encourage à cultiver une vie stable, en adoptant des routines régulières : pratiquer dans le même espace, aux mêmes horaires, avec constance et régularité. Cette stabilité extérieure favorise également une stabilité intérieure. Des attitudes negatives comme la jalousie, la haine, la convoisité ou l’attachement, perturbent la clarté d’esprit et mènent à une instabilité mentale. On encourage le pratiquant à stabiliser le mental avec les techniques décrites dans ce livre.
Les 6 clés pour la réussite dans sa pratique
Utsāhā, l’énergie. L’enthousiasme et la détermination sont des moteurs indispensables dans la pratique du yoga. Ils nous aident à rester engagés, non seulement dans notre pratique quotidienne, mais aussi dans notre quête spirituelle, quelles que soient les circonstances de la vie.
Sāhasā, l’audace. La curiosité, l’intrepidité, l’élan spontané qui nous pousse à agir avec courage et curiosité, sans nous laisser paralyser par une réflexion excessive. Le fait de jeter à l’eau sans trop y reflechir, car trop de réflexion peut parfois entraver l’action. Brahmananda illustre cette idée en disant : « Commencer une activité soudainement, sans réfléchir si la chose est réalisable ou non. »
Dhairya, la patience. La tempérance et la constance sont essentielles pour persévérer dans la pratique sans se laisser décourager. À chaque fois que nous déroulons notre tapis, nous faisons face à notre état du moment, en fonction du corps, de l’esprit et des circonstances extérieures. Il est donc parfois nécessaire de cultiver la patience et la compassion envers soi-même. Une fois de plus, je souligne l’importance du rôle de l’enseignant, qui doit savoir adapter la pratique à la progression de chaque pratiquant, afin de prévenir les blessures et éviter la frustration.
Tattva jñānā, la connaissance de la Réalité. Comprendre la philosophie qui sous-tend la pratique du yoga est essentiel pour cultiver une pratique durable. Si nous abordons le yoga comme une simple activité physique, il risque de perdre tout son sens, nous rendant plus enclins à abandonner.
« Les objets des sens sont irréels, comme le mirage que poursuit le daim. Brahman est la seule réalité. »
Niścaya, la certitude. La foi inébranlable dans la validité des enseignements, des textes sacrés et du guru. C’est la conviction profonde que la voie du yoga est celle qui nous correspond, qui résonne avec notre être nous permettant d’avancer avec confiance. Elle est le fondement sur lequel repose notre engagement, une confiance solide dans la voie que nous avons choisie.
Jana sangha parityāga, cesser d’avoir des relations avec les personnes opposées à la pratique du yoga. Dit ainsi, cela peut sembler extrême (rappelons que ce texte date du 16e siècle !). Pour l’adapter à notre époque, je dirais plutôt qu’il s’agit de choisir une communauté ou un groupe d’appartenance qui partage les valeurs du yoga, afin de nourrir la pratique, l’enseignement et la sagesse. La Sangha est un support précieux pour la progression spirituelle, car elle permet l’échange, l’encouragement mutuel et la motivation partagée.
Je vous retrouve la semaine prochaine pour continuer à explorer chapitre par chapitre les enseignements du Hatha Yoga Pradipika.
Cariños,
Julieta